Souvent négligée, la gestion documentaire représente beaucoup plus qu’un classement des dossiers. Les documents qu’un organisme détient peuvent être utilisés comme preuve pour défendre ses droits ou contre celui-ci, lors des poursuites judiciaires.
Pendant la pandémie de coronavirus, plusieurs organismes ont commencé à ramasser des informations médicales sur leurs clients ou leurs employés : l’installation des caméras thermiques pour la prise de température ou la collecte des questionnaires médicaux. Certains employeurs imposent aux salariés une prise de température régulière ou des examens médicaux. Cependant, la collecte de ces renseignements personnels porte atteinte à la vie privée et au respect de l’intégrité, en exposant les compagnies à des poursuites judiciaires.
COLLECTE DES RENSEIGNEMENTS MÉDICAUX
Les organismes doivent limiter la collecte des renseignements personnels à ceux qui sont nécessaires à l’exercice de ses fonctions. L’article 37 du Code civil du Québec précise que « Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l’objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l’intéressé ou l’autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l’utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l’intéressé ni à sa réputation. »
Le dossier médical d’une personne est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, sans son autorisation ou l’autorisation de la personne pouvant donner un consentement en son nom (art. 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux).
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec précise le fait que l’employé ne peut pas être obligé à dévoiler des renseignements personnels qui n’ont aucun lien avec l’emploi. Les informations médicales qu’un employeur peut ramasser doivent être en lien avec les aptitudes requises pour l’emploi. Dresser un portait détaillé de l’état de santé de l’employé « porte atteinte au droit à la sauvegarde de sa dignité et au droit au respect de la vie privée, a conclu le Tribunal des droits de la personne. » [1]
« (…) l’employeur doit démontrer que les renseignements sont requis dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause et qu’ils sont raisonnablement nécessaires pour réaliser ce but légitime lié au travail. Le fait d’exiger d’un salarié qu’il se soumette à un examen médical peut également porter atteinte à son droit à l’intégrité (art. 1 Charte et 10 C.c.Q,). Cela constitue également une violation de son droit à la vie privée reconnu aux articles 5 de la Charte et 35 C.c.Q.» [2]
De plus, personne ne peut pas être obligé à dévoiler la condition de son entourage (pour savoir si l’un de ses proches présente des symptômes) ou à communiquer les endroits fréquentés en vacances ou dans tout autre cadre privé, car cela constitue une atteinte à la vie privée.
PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE, INTÉGRITÉ ET LIBERTÉ
- Le droit au respect de la vie privée c’est un droit fondamental qui protège les personnes contre la diffusion de leurs renseignements personnels et qui assure une protection contre les intrusions injustifiées dans leur vie privée. Chaque personne doit avoir la liberté de penser, agir et de décider pour elle-même.
« Ce droit protège votre intimité et interdit que certaines informations qui vous concernent soient accessibles ou rendues publiques : votre image (ex. des photos de vous), votre corps (ex. des échantillons de votre sang), votre orientation sexuelle, votre état de santé, votre adresse, votre vie personnelle et familiale, etc. Il protège aussi votre droit de prendre les décisions fondamentales qui vous concernent.» [3]
- Le droit à l’intégrité fait référence au respect de l’intégrité physique et morale.
« Le droit à l’intégrité vous protège entre autres contre les actions et les situations qui peuvent avoir des conséquences physiques, psychologiques ou émotives importantes sur vous. Il vous permet par exemple d’accepter ou de refuser des soins de santé. » [3]
- «Le droit à la liberté vous permet entre autres d’agir et de prendre les décisions fondamentales qui vous concernent sans subir de pression extérieure.» [3]
Dans l’article du 2017, le président de la CDPDJ, Camil Picard, a indiqué clairement : « une personne ne doit jamais avoir à choisir entre un emploi et le respect de ses droits fondamentaux ». [1]
RÉFÉRENCES :
[1] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Questionnaire préembauche : des questions jugées discriminatoires par le Tribunal des droits de la personne : www.newswire.ca/fr/news-releases/questionnaire-preembauche–des-questions-jugees-discriminatoires-par-le-tribunal-des-droits-de-la-personne-612907873.html (site consulté le 23 mai 2020)
[2] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, L’application et l’interprétation de l’article 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne: www.cdpdj.qc.ca/publications/formulaire_emploi.pdf
[3] Charte des droits et libertés de la personne simplifiée de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) : www.cdpdj.qc.ca/Publications/Charte_simplifiee.pdf
Lois :
Charte des droits et libertés de la personne : www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/c-12
Code civil du Québec : www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/ccq-1991
Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : www.www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/P-39.1
Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : www.legisquebec.gouv.qc.ca/en/showdoc/cs/A-2.1?langCont=fr
Loi sur les services de santé et les services sociaux : www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/s-4.2
Mise en garde :
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